Temps de travail : le forfait jours illégal ?
La Cour de cassation a été saisie par un salarié cadre, au forfait jours, qui demande le paiement d'heures supplémentaires. Elle devrait prochainement examiner cette affaire. Elle pourrait, à cette occasion, se prononcer sur la légalité du système de forfait jours.
Fonctionnement du forfait jours
Le forfait jours est une réglementation spécifique du temps de travail, réservée aux cadres et non cadres disposant d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la durée du travail ne peut pas être prédéterminée (1).
Ces salariés peuvent conclure une convention individuelle de forfait jours si un accord d'entreprise, ou à défaut un accord de branche, le prévoit.
Leur temps de travail sera alors décompté sur l'année, en jours, et non en heures. Les dispositions concernant la durée légale hebdomadaire de travail, les heures supplémentaires, les durées maximales journalières et hebdomadaires de travail, ne s'appliquent pas aux salariés au forfait jours. Par contre, ces salariés bénéficient du repos quotidien (11 heures par jour) et hebdomadaire (35 heures consécutives par semaine).
En conséquence, les salariés au forfait jours peuvent être amenés à travailler jusqu'à 78 heures (6*13 heures) par semaine.
Le forfait jours est il conforme à la Charte sociale européenne ?
La Charte sociale européenne, ratifiée par la France, prévoit que la durée du travail ne doit pas être « déraisonnable ».
Le Comité européen des droits sociaux a estimé que la durée du travail des salariés au forfait jours était « déraisonnable » car elle pouvait atteindre 78 heures par semaine. Il a également indiqué que la loi ne réglemente pas suffisamment le contenu de l'accord collectif devant être conclu avant qu'un employeur puisse recourir au forfait jours. En particulier, les garanties quant à l'amplitude horaire des salariés devraient être davantage précisées dans l'accord (2).
Si la Cour de cassation suivait ce raisonnement, elle pourrait ne pas appliquer la loi sur le forfait jours, non-conforme à la Charte sociale européenne.
Les salariés au forfait jours pourraient alors demander le paiement des heures supplémentaires qu'ils ont effectuées, dans la limite de prescription de 5 ans. Or, comme le temps de travail des salariés au forfait jours n'est actuellement pas décompté par les employeurs puisque la loi ne l'oblige pas, l'employeur aura des difficultés à prouver le nombre d'heures réellement effectuées par le salarié.
La Cour de cassation devrait rendre sa décision en juillet 2011.
(1) Article L. 3121-43 du Code du travail
(2) Comité européen des droits sociaux, conclusions de décembre 2010